Le droit à l'image


Le droit à l'image


Introduction

Nombre d’organisations de jeunesse et de mouvements de jeunesse éditent une revue informative sur les activités prévues par l’association.
Très régulièrement, la question se pose de savoir si l’association peut publier, pour illustrer ses articles, les photos des jeunes participant aux activités proposées et, si oui, à quelles conditions.

Dès qu’il s’agit de publier des photos représentant des personnes, mineures ou non, la notion de "droit à l’image" apparaît.
De quoi s’agit-il exactement? Quelles en sont les limites? Tel est l’objet de cet article1.


Le droit à l’image - notion

Définition du droit à l’image

Nous ne trouvons pas de définition, encore moins de régime juridique élaboré, du droit à l’image. La seule référence légale directe est l’article 10 de la loi sur le droit d’auteur et les droits voisins du 30 juin 1994, ci-après LDA, bien que le droit à l’image ne soit pas à proprement parler un droit d’auteur.
La présence de cet article dans la LDA relève plutôt d’une situation transitoire en attendant qu’un chapitre du Code civil soit consacré aux droits de la personnalité (droit à l’image et à la vie privée)2.
L’article 10 de la LDA dispose que "ni l’auteur, ni le propriétaire d’un portrait, ni tout autre possesseur ou détenteur d’un portrait n’a le droit de le reproduire ou de le communiquer au public sans l’assentiment de la personne représentée ou de celui de ses ayants droit 20 ans à partir de son décès".
A partir de cet article, la jurisprudence et les auteurs de doctrine ont élaboré le régime juridique du droit à l’image: une personne représentée peut s’opposer à ce que son image soit reproduite ou communiquée au public sans son accord préalable3.
En outre, ce droit subsiste pendant encore 20 après le décès de la personne représentée. Par conséquent, les ayants droit peuvent également s’opposer à l’utilisation de l’image des personnes décédées.


Définition des termes "reproduction et communication"

Partons du postulat que l’image en question est une photo d’un jeune scout. En vertu de l’article 10 de la LDA, l’organisation de jeunesse qui souhaiterait utiliser cette photo pour la publier dans sa revue d’information doit demander l’autorisation du jeune en question. Le fait de publier une photo est un acte de reproduction. Le fait de distribuer la revue aux membres du mouvement est un acte de communication au public. L’autorisation est nécessaire dans les deux cas.
La même OJ souhaiterait, à présent, mettre cette photo en ligne sur son site web, que ce soit sur la page d’accueil ou dans une page secondaire. Le fait de numériser la photo pour la mettre en ligne est un acte de reproduction. Le fait de mettre en ligne la photo est un acte de communication au public.
Comme vous le voyez, l’organisation de jeunesse devra demander l’autorisation au jeune scout représenté sur la photo que ce soit pour la publier dans une revue (ou sur une affiche, un folder de présentation…) ou pour la mettre en ligne sur internet.


Autorisation nécessaire pour reproduire et diffuser l’image

L’autorisation de la personne représentée peut être expresse ou tacite. Bien entendu, l’idéal est d’établir un écrit afin d’éviter les contestations éventuelles.
Par ailleurs, l’autorisation doit être spéciale, c’est-à-dire qu’elle doit porter sur un ou plusieurs usages déterminés. Il est nécessaire de préciser à quoi servira la photo : à illustrer un article, à illustrer un folder de promotion des activités de l’association, à agrémenter le site web…
Il serait préférable de mentionner au jeune et à ses parents qu’en aucun cas la photo ne sera cédée à des tiers lorsqu’on ne peut garantir l’utilisation qu’ils en feront.


Limites du droit à l’image

Le droit à l’image s’applique dès l’instant où la personne représentée est identifiable. Cet élément est très important: une personne dans une foule compacte ou représentée de dos ou de très loin n’est pas considérée comme identifiable. Son autorisation n’est pas nécessaire pour publier la photo.
Par conséquent, une photo représentant un grand groupe de jeunes pourra être publiée sans que l’organisation ne se soucie du droit à l’image. Il en va de même pour une photo retouchée et retravaillée dans laquelle, finalement, les jeunes ne sont plus reconnaissables.
Enfin, pour les photos représentant des mineurs, non seulement l’autorisation du jeune sera nécessaire, mais également l’autorisation de ses parents ou tuteurs. Si cette même photo représente un jeune n’ayant pas encore atteint l’âge de discernement, seule l’autorisation de ses parents sera nécessaire4.


Un mot sur les personnages publics

Il est également possible que l’organisation de jeunesse souhaite publier ou mettre en ligne une photo d’un personnage public pour illustrer un article d’actualité?
Dans ce cas particulier, les Cours et Tribunaux ont adopté une position plus souple. En effet, on considère que ces personnages publics - hommes politiques, acteurs, sportifs… - ont donné une autorisation tacite en ce qui concerne l’utilisation de leur image.
Toutefois, ces photos ne peuvent en aucun cas être dénigrantes ou diffamatoires et elles doivent avoir un rapport avec la fonction ou le métier exercé par la personne photographiée. En aucun cas, les photos publiées ne peuvent porter atteinte à la vie privée des personnages publics même s’il est communément admis que la sphère de leur vie privée est plus restreinte que celle des personnes anonymes.


Et les caricatures…

La caricature d’un personnage public est licite à condition que le but soit de critiquer sur un ton humoristique5. La caractéristique fondamentale de la parodie est l’humour, notion relativement variable. Dans tous les cas, la parodie ne peut être dénigrante ou diffamante pour la personne parodiée.


Quid des photos des monuments exposés sur la voie publique?

Nous avons principalement parlé du droit à l’image qui, bien entendu, ne concerne que les personnes.
Néanmoins, il est possible que, pour illustrer certains articles, une OJ décide de publier la photo d’un monument ou d’une œuvre exposée sur la voie publique - sculptures, œuvres architecturales, monuments, peintures murales…
Les œuvres exposées sur la voie publique ne font pas partie du domaine public. S’il s’agit d’une œuvre originale protégée par le droit d’auteur, imaginons des sculptures de Folon exposées au parc royal, l’autorisation de l’auteur sera toujours nécessaire pour publier des photos des œuvres exposées.
Toutefois, si le but de la photo n’est pas de représenter les sculptures de Folon mais, imaginons, une manifestation du secteur non-marchand qui se déroule au parc royal, l’autorisation de Folon n’est, bien entendu, pas nécessaire6. En effet, dans ce cas-ci, les photos concernent la manifestation et, par incidence, les sculptures se retrouvent sur les photos.
En outre, ne perdons pas de vue que le droit d’auteur subsiste encore 70 ans après le décès de l’auteur de l’œuvre. Ainsi, la publication d’une photo représentant une œuvre tombée dans le domaine public (à l’expiration du délai de 70 ans) ne nécessite pas l’autorisation des ayants droit de l’auteur.


Qu’en est-il des banques d’images?

A propos des banques d’images, il convient de préciser que, très souvent, les images disponibles sur internet, qu’il s’agisse de photos ou d’images
graphiques, ne sont pas libres d’utilisation.
En aucun cas, le fait qu’une photo soit disponible dans une banque d’image ne signifie que la personne représentée a donné son accord à la reproduction ou la communication au public de son image ! Une autorisation expresse est toujours nécessaire.
Il en va de même pour les logos, dessins, images graphiques disponibles dans ces banques d’image. Non seulement, le nom de l’auteur est rarement mentionné, mais, généralement, il n’a pas donné son accord pour la diffusion et l’utilisation de ses créations.
En reprenant des photos ou des images protégées par le droit d’auteur, vous vous rendez coupable d’un acte de contrefaçon puni civilement et pénalement. La plus grande prudence s’impose donc.
Serait légale l’utilisation d’images provenant d’une banque d’images dont l’accès est réservé aux membres et qui garantit, via une charte mise en ligne, que les autorisations nécessaires ont été données à la banque d’images pour diffuser photos, dessins, logos et autres.
En dehors de ce cas de figure, aucune garantie n’existe pour l’utilisateur qui puise dans une banque d’images.


Clause autorisant la publication d’une photo

Les OJ qui souhaitent publier ou diffuser des photos de jeunes devraient faire signer une autorisation expresse aux jeunes – et à leurs parents le cas échéant – ou prévoir une mention dans une charte distribuée aux participants aux activités de l’association.
Vous trouverez ci-dessous un modèle de clause à faire signer.
Date et lieu
Je soussigné(e) (prénom + nom) …………………………………………………………………
accepte par la présente que les photos sur lesquelles je figure puissent être utilisées uniquement à des fins professionnelles par l’ASBL …………………
Les photos pourront être publiées dans la revue ………… et sur le site internet http://…………………………
En aucun cas, l’association ne cédera les photos visées à des tiers.
Signature + mention "Lu et approuvé".

Ou encore si l’enfant est mineur:
Date et lieu
Je soussigné(e) (prénom + nom) …………………………………………………………………
parent ou responsable de (prénom + nom enfant) …………………………………
accepte par la présente que les photos sur lesquelles figure (prénom + nom enfant) ………………………………………puissent être utilisées uniquement à des fins professionnelles par l’ASBL …………………
Les photos pourront être publiées dans la revue ………… et sur le site internet http://…………………………
En aucun cas, l’association ne cédera les photos visées à des tiers.
Signature + mention ‘Lu et approuvé’.

C.M.


1 Pour une étude approfondie, voyez M. Isgour et B. Vinçotte, in Le droit à l'image, Larcier, Bruxelles, 1998.
2 D’ailleurs, une personne qui souhaiterait s’opposer à la publication d’une image la représentant (photos, interview filmée…) peut également invoquer le respect de sa vie privée (sur la base de l’article 22 de la Constitution et/ou de la loi du 8 décembre 1992 sur le respect de la vie privée) ou encore une violation de l’article 1382 du Code civil si elle peut prouver que la publication de la photo constitue une faute qui a provoqué dans son chef un dommage (nous pouvons imaginer une photo la représentant qui serait reprise – sans son consentement - sur le tract d’un parti politique non démocratique).
3 Il existe une controverse non résolue à propos du champ d’application de l’article 10 de la LDA. En effet, certains tribunaux refusent d’appliquer cet article pour interdire la communication au public d’images filmées puisque l’article 10 se trouve dans le chapitre consacré aux œuvres plastiques (peinture et photographie) et ne vise pas le chapitre consacré aux œuvres audiovisuelles. Il faut savoir que la plupart des tribunaux acceptent d’appliquer l’article 10 pour interdire les images filmées.
4 L’âge de discernement est fixé par les cours et tribunaux, il se situe généralement entre 6 et 7 ans.
M. Isgour,"La satire: réflexion sur le droit à l'humour", A.M., 2000, pp. 59 à 68.
6 Art. 22, § 1er, 2° de la LDA.

Mise à jour de cette page sur www.coj.be le 8 mai 2008